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Découverte d'un site de reproduction
du Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) dans la Sarthe.

Extrait de l'article paru dans le Troglodyte n°13/1999 - Bulletin de la S.P.E.N.E.S. (Société d'Etude et de Protection pour l'Environnement du Nord-Est de la Sarthe)

Le 10 avril 1999, vers 17 heures, au retour d'une prospection botanique dans le nord-ouest du département, j'ai la surprise d'entendre en fin d'après midi, une suite de cris très doux émanant d'un fossé rempli d'eau et peu profond, situé le long d'une petite route. A mon approche les cris cessent, une ride en surface de l'eau, puis plus rien. Il me semble à cet instant avoir reconnu le chant typique de deux sonneurs à ventre jaune, qui se répondent. De retour à mon domicile, l'écoute du chant sur cassette de l'espèce, conforte sérieusement mes suspicions.

Le 27 avril 1999, en début d'après midi, armé d'une petite épuisette, je suis sur les lieux. A la troisième tentative, un petit crapaud brun d'environ 5 centimètres, et verruqueux sur le dos, apparaît au fond de l'épuisette. Mon premier réflexe est de retourner l'animal sur le dos, plus de doute possible, sur l'identité de l'espèce, à la vision du ventre taché de jaune vif sur fond bleu sombre. Pour se défendre, l'animal se cambre en arrière, en bombant le ventre et en ramenant ses pattes antérieures au niveau des yeux. Autre particularité singulière, sa pupille est en forme de coeur. Je prends le temps de photographier ce sympathique crapaud, avant de le remettre dans son milieu.

Le 30 avril, vers 22 heures 30, une promenade discrète le long de la route, m'a permis d'assister à mon premier concert nocturne et de comptabiliser 4 chanteurs. Ils sont cantonnés sur seulement une dizaine de mètres de fossé. Au delà de 50 mètres, ces chants sont à peine audibles. Ces manifestations vocales sont émises par des mâles postés en surface de l'eau. Il sont faciles à observer à la lampe électrique, la lumière ne semble pas les déranger. De plus, un ou deux individus silencieux, qui sont peut-être des femelles, se déplacent plus librement. Le lendemain, un bref arrêt aux abords du site à 18 heures, m'a permis de compter 1 chanteur. Il apparaît donc que les chants sont plus intenses après le coucher du soleil.

Le 7 mai, vers 22 heures : 5 chanteurs, accouplements, contrôle d'un mâle, plus petit et ventre jaune orangé.

Le 10 mai, vers 22 heures : 4 chanteurs, pas d'accouplements, 25 individus.

Le 19 mai, vers 18 heures 30 : 4 chanteurs, contrôle d'un mâle, observation des excroissances sur les avant-bras. Les habitants de la ferme proche m'indiquent que la présence de ces crapauds existe depuis 40 ans à cet endroit. Ils m'informent également que l'agriculteur qui exploite le champ situé au dessus de la station de sonneur a enlevé récemment un rideau d'arbres qui séparait le champ du fossé. Ce fossé toujours plein d'eau est alimenté par une source.

Le 25 mai : observation des pontes en fin d'après midi. Ce sont de gros oeufs (diamètre d'environ 8 mm), collés aux végétaux de manière éparse.

Le 26 mai vers 22 heures : 5 chanteurs sont enregistrés au magnétophone par Guy Motel.

Le 13 juin, j’ai la désagréable surprise de constater que le fossé ou se reproduisent les sonneurs, a été recreusé tout le long de la route, sur une profondeur de plus de plus de 50 cm ! Il subsiste malgré cela des poches d’eau, toujours alimentées par la source. Dans ceux-ci, quelques sonneurs ont élu domicile ; je trouve aussi des anciennes pontes et je compte une soixantaine de têtards.

Le 29 juin, avec Gérard Hunault, nous découvrons au moins 7 individus qui se chauffent au soleil dans les parties en eau, mais aussi dans les ornières du champ en prairie à proximité. Pontes et têtards sont également observés ce jour.

Le 7 août, je ne détecte aucun adulte. Toutefois je compte une centaine de têtards dans les trous d’eau le long de la route. Ceci atteste de l’échelonnement des pontes, le développement des têtards étant de 4 à 6 semaines selon la température.

Dans la Sarthe, le sonneur à ventre jaune est qualifié en 1884 comme "commun dans les mares et les fossés" et sans changement en 1924, par Gentil. Plus récemment, dans l’Atlas de répartition de Amphibiens et des Reptiles de France, on constate que l’espèce s’est considérablement raréfiée sur la période 1970 - 1989, puisqu’elle n’apparaît que sur les cartes de Sillé-le-Guillame et de Saint-Calais.

Actuellement, ce site est le seul endroit connu du département ou se reproduit de manière certaine le sonneur à ventre jaune. Espérons que les conditions de son existence seront préservées et pourquoi pas améliorées dans l’avenir. Rappelons que l’espèce est totalement protégée en France par l'arrêté du 22 juillet 1993. Elle est également inscrite aux annexes II et IV de la Directive Habitats ainsi qu'à l'annexe II de la Convention de Berne.

Travaux consultés :

- Gentil A., 1883/1884 - Erpétologie de la Sarthe. Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, XXIX : 592.
- Gentil A., 1923/1924 - Bibliographie zoologique Sarthoise. Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, XXXIX : 175.
- Dussaix C., 1991 - Le statut ancien et actuel des Batraciens et des Reptiles de la Sarthe. Le troglodyte, 6 : 19-23.
- Fretey J., 1975 - Guide des reptiles et batraciens de France - Hatier.
- Roche J.C., et Guyetant R. - Grenouilles et crapauds - cassette audio - Co-édition : Sitelle / SNPN.
- Muséum National d’Histoire Naturelle, 1994 - Le livre rouge - Inventaire de la faune menacée en France : 82.
- Rostand J., 1970 - La vie des crapauds.
- Société Herpétologique de France, 1989 - Atlas de répartition de Amphibiens et des Reptiles de France.

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